Sigmund Freud est né le 6 mai 1856 à Freiberg en Moravie, une petite ville d’environ 4500 habitants dans la région nord ouest de l’empire autrichien. Son père, Jacob, et son grand père font du commerce de laine, ils exportent également des produits agricoles.
Jakob Freud, le père du futur Sigmund, se marie une première fois à 16 ans avec Sally Kanner, ils auront ensemble deux fils, Emanuel (1834-1915) et Philippe (1838-1912). En 1852, Sally meurt et Jakob se remarie peu après avec une nommée Rebecca dont on ne sait rien, il n’ont pas d’enfant ensemble.
En troisième noce Jacob épouse à 44 ans Amalia Nathanson, la future mère de Sigmund. elle est 20 ans plus jeune que lui que son mari. Amalia est réputée pour être une femme énergique, vive voire tyrannique. Sigmund Freud décrit son père comme sympathique, généreux mais sans autorité. Après un an de mariage, Sigismund voit le jour. Il reçoit également en deuxième prénom celui de son grand-père mort peu avant sa naissance : Salomon (de Schlomo: le Sage).
Freud a cinq sœurs et deux frères. Un de ses frères, Julius vient au monde alors que Sigmund n’a pas un an mais ce dernier ne vécut que huit mois. Il semblerait que cet événement s’inscrive en filigrane dans l’œuvre freudienne. Puis, Anna, le 31 décembre 1858, Regine Debora (Rosa) le 21 mars 1860, Maria (Mitzi) le 22 mars 1861, Ester Adolfine (Dolfi) le 23 juillet 1862 et Pauline (Paula) le 3 mai 1864, Alexander le 19 avril 1866. Sigmund a pour cette époque une généalogie quelque peu marginale d’autant qu’un de ses demi-frères a un enfant en 1855 ce qui fait que freud est l’oncle d’un neveu plus âgé que lui.
La religion est très présente dans la famille Freud, elle est de confession Judaïque. Sigmund est circoncis à huit mois et recevra les enseignements rituels de son père. Son environnement est fait de sacré et de respect de Dieu.
Freud a 3 ans lorsque son père vit des difficultés professionnelles provenant de la mécanisation dans le textile et de la modification d’un tracé ferroviaire. Ses parents émigrent vers Leipzig puis Vienne, uniquement accompagnés de deux de leurs enfants : Anna et Sigmund alors âgé de 4 ans. La famille n’est pas fortunée et vit un quotidien parfois difficile.
Sigmund est décrit comme un enfant hardi et bienheureux, brillant à l’école, souvent premier, dominé par une soif de savoir hors du commun. Son biographe, Jones, relate qu’il lisait Shakespeare à l’âge de huit ans. Il rentre au lycée avec un an d’avance. Il réussit tous ses examens avec brio ce qui lui vaudra différentes bourses d’études. En plus de l’allemand et de l’hébreu qu’il parle couramment, il apprend l’anglais, le français, le latin et le grec. Vers 17 ans, il hésite pour le droit, mais impressionné par le philosophe Franz Brentano et par la lecture de l’essai de Carl Brühl sur " la Nature ", il choisit des études de biologie et de médecine bien que son père eut préféré qu’il reprenne le commerce familial.
Freud est médecin à 25 ans et commence la recherche pour s’émanciper financièrement tout en continuant d’étudier. Il effectue divers travaux brillants notamment sur les anguilles, grâce à des bourses de recherche. Pour améliorer le quotidien, il rédige également des articles, des comptes-rendus d’ouvrage et des traductions, ce qui démontre déjà la rapidité et la qualité de son écriture. Il rédige un premier ouvrage " sur la conception de l’aphasie, étude critique " qui ne sera vendu qu’à 257 exemplaires en neuf ans ! Il œuvre également dans la clinique et la pathologie autour de sujet comme : l’incidence du scorbut sur les hémorragies cérébrales, les névrites des nerfs spinaux et cérébraux, l’origine du nerf acoustique, etc… Il étudie également sur la cocaïne, publiant de nombreux articles sur le sujet, mais aussi la clinique infantile.
En 1882, il rencontre la femme de sa vie en la personne de Martha Bernays ; elle est âgée de 21 ans, Freud en a 26. Elle est également issue d’une famille juive allemande, elle est très cultivée ; son grand-père était grand rabbin de la communauté de Hambourg ; deux de ses oncles sont des érudits ayant rédigé plusieurs livres. Freud et Martha échangeront une correspondance de près de mille lettres en attendant leur mariage. En effet, Martha doit suivre sa mère qui décide de quitter Vienne pour Hambourg à la suite de la mort de son mari.
Il est nommé en 1885, entre autre grâce à l’appui de son ancien professeur Ernst von Brücke, Maître de conférence à l’université de Vienne. Ce poste éminent lui vaut une solide réputation et une importante clientèle. À la même époque, il obtient par l’intervention de son ami Joseph Breuer, la bourse annelle de voyage en l’honneur du jubilé de l’université.
Breuer et Freud étaient très proches, d’ailleurs Freud a suivi avec attention la rémission d’une patiente de Breuer souffrant d’hystérie ainsi que de dédoublement de personnalité qu’il a guéri par l’hypnose, le souvenir et la parole. Le nom " d’Anna O " dont le vrai patronyme est Bertha Pappenheim, est maintenant rentré dans l’histoire de la psychanalyse comme la pionnière de l’expérience de la cure psychanalytique.
Par le biais de la dite bourse, Freud séjourne plusieurs mois à Paris et travaille avec Jean-Martin Charcot, le plus célèbre neuropathologiste de l’époque. Freud est très impressionné par les résultats de Charcot sur l’hypnose dans la thérapie de l’hystérie. À son retour à Vienne, Freud traduit " Les leçons du Mardi " de Jean-Martin Charcot.
Martha Bernays et Sigmund Freud se marient le 13 septembre 1886. Il naîtra de cette union 6 enfants à raison d’une naissance par an durant six ans. Une personne jouera également un rôle important dans la famille Freud, c’est Minna Bernays, l’unique sœur de la femme de Freud, qui vient habiter au sein des Freud après la mort de son fiancé ; Sigmund et " tante Minna " auront des échanges intellectuels très fructueux.
Dans la même année, Freud ouvre un cabinet privé mais l’accueil que lui réserve la profession médicale est plutôt frileux voire hostile. Malgré tout, il obtient également un poste dans un service de neurologie ; il accepte bien que cette mission ne soit pas rémunérée souhaitant par ce poste obtenir une reconnaissance professionnelle. Il faudra attendre plus d’un an pour que son cabinet libéral fonctionne et qu’il voit l’issue de ses difficultés financières. Néanmoins, Freud estimet que ses résultats ne sont pas suffisants, et que les nombreux ouvrages traitant de technique thérapeutiques ne tiennent pas leurs promesses.
En 1888, Freud effectue un déplacement à Nancy pour s’enrichir des techniques d’hypnose d’Auguste Ambroise Liébault et d’Hippolyte Bernheim . Freud n’apprécie pas les reproches destinés aux patients qui résistent à l’autosuggestion.
Freud et Breuer sont toujours très proches et s’échangent leurs résultats de travaux. Ils décident alors de reprendre les travaux effectués sur Anna(Bertha Pappenheim) par le biais de techniques cathartiques. Breuer n’avait expérimenté cette méthode que sur une seule personne. Néanmoins, Freud et Breuer décident de publier la biographie clinique d’Anna O. dans " Études sur l’hystérie " en 1895 ; l’ouvrage remporte un franc succès. On trouve pour la première fois la notion " de cure par la parole(Talking cure) ", terme inventé par Anna O elle-même. C’est à cette période que Feud pressent que la pathologie psycho-névrotique puise sa source dans la sexualité ; il pose également des hypothèses sur la relation transférentielle entre le patient et le thérapeute.
Freud a rencontré en 1887, Wilhelm Fliess un oto-rhino-laryngologiste berlinois, passionné de biologie générale. Fliess est connu pour ses études sur le rôle de la périodicité dans la vie organique ainsi qu’une théorie de la bisexualité. Fliess pose comme postulat de son étude que l’organisme et la vie psychique contiennent des éléments des sexes opposés. La correspondance entre Freud et Fliess est particulièrement abondante. Nous possédons encore aujourd’hui celle de Freud adressée à Fliess grâce à Marie Bonaparte . Elles ont été publiées dans les années cinquante sous le nom de " Naissance de la psychanalyse ". Par ces lettres, il est possible d’établir le cheminement de la réflexion de Freud au moment même où il élabore les bases de sa théorie psychanalytique. Fliess est le témoin de l’auto-analyse de Freud tandis qu’il cesse toutes relations avec Breuer dans les années 1894 à 1897.
Freud poursuit ses travaux autour du postulat de la théorie d’un noyau pathogène constitué dans l’enfance par un trauma sexuel originel ; c’est par la redécouverte de ce noyau que le patient se libère de la névrose. La souffrance est occasionnée par le refoulement de ce moment du passé qui, une fois actualisé, libère le patient.
Le travail intérieur que Freud effectue sur lui provoque des crises d’angoisses notamment après la mort de son père en octobre 1896. De plus, il rencontre, de nouveaux, de fortes hostilités dans le monde scientifique, ce qui n’arrange rien tant sur le plan personnel que financier. Le monde puritain de cette époque n’apprécie pas ses théories de la sexualité notamment chez l’enfant. C’est dans cette période qu’il élabore les théories du complexe d’Œdipe par l’interprétation de la pièce de Sophocle : l’Œdipe Roi. Freud effectue un travail croisé entre son vécu personnel et le vécu de ses patients ; il " vérifie " la similitude de certains phénomènes et échafaude ses théories. Les rêves deviennent un référant de choix dans le cadre des cures. Freud fait part de toutes ses découvertes personnelles à Fliess ; nombreux spécialistes s’accordent à dire que c’est en fait Fliess lui-même qui a servi de support transférentiel à Freud, dans ce qui est en fait pas véritablement une auto-analyse. En 1896, Freud utilise pour la première fois le terme " d’appareil psychique " constitué du : conscient, préconscient, inconscient. Freud attend le changement de siècle pour diffuser son message.
1900, c’est le tournant de la carrière de Freud et une date pivot dans l’histoire de la psychanalyse : la publication de " l’interprétation des rêves ". Il apparaît la première topique : " Inconscient - -préconscient conscient ". Il faudra huit ans pour vendre les 600 exemplaires ; encore un cuisant échec commercial. Freud ne lâche pas et fait preuve d’une grande confiance dans les concepts révolutionnaires qu’il expose.
C’est vers 1901-1902, qu’une partie du milieu médical commence à s’intéresser de près à ses travaux. Des écrivains, des intellectuels, des psychologues, des médecins se joignent à lui ; ils se retrouvent tous les mercredi soir ; la " Société psychologique du mercredi " est née ; elle deviendra en 1908 " la société psychanalytique de Vienne ". On y trouve des personnages comme : Ernest Jones, Otto Rank, Sandor Ferenzy, Karl Abraham, Carl Gustave Yung. Après Breuer, Freud se fâche avec Fliess ; toute la carrière de Freud est ainsi ponctuée de grandes amitiés qui tournent parfois à la haine. Il faut dire que Freud est réputé pour être inflexible voir parfaitement tyrannique avec les gens qu’il apprécie ; les membres de sa famille, notamment ses filles ont fait les frais de ce trait de caractère. C’est également vers cette période qu’il publie son premier cas clinique : Dora.
En 1905, c’est un nouveau pavé dans la marre du puritanisme : Trois essais sur la théorie de la sexualité. Il réhabilite le désir et le plaisir sexuel ; l’échec commercial était prévisible.
En 1906, la renommée de Freud traverse les frontières et la psychanalyse commence à être reconnue. Il rentre en contact avec Yung d’abord par écrit puis ils se rencontrent en 1907. Après plusieurs heures de conversation, Freud voit en Yung son légitime successeur et son premier disciple non juif.
C’est en 1909 que Freud se rend au Etat Unis pour présenter la psychanalyse à l’occasion de cinq conférences ; il est accompagné de Férenzy mais aussi de Yung ; c’est un véritable succès.
1910 marque l’apogée des relations Freudo-yungienne, Freud nomme Yung à la tête du nouveau mouvement international de psychanalyse. Freud redoutait que " sa " science ne devienne une science juive, avec Yung il s’est prémuni de cet handicap.
Dans les années qui suivent, Freud continue tant ses recherches que les parutions à répétition. Des brouilles diverses et variées interviennent : Adler et Stekel(1911). La rupture la plus retentissante de Freud est située en 1913 avec Yung, Freud ne supporte plus les dérives de son disciple. Un ouvrage sera publié par Freud lui-même pour relater ce qu’il nomme être " les trahisons d’Adler et de Yung " ce qui va entraîner de nouvelles brouilles dans le mouvement et la création de nouveaux courants notamment celui de Rank, Férenzy et Wilheim Reich. Yung fonde sa propre école :la "psychologie analytique". Il rassemble de nombreux adeptes auprès des philosophes et des psychologues de religion, qui constituent encore un important courant de pensée.
1913, la guerre éclate. la vie de Freud en est affectée. Ses patients et ses plus jeunes collaborateurs partent au front, d’autres amitiés appartiennent au camps adverse. La vie est difficile ; il s’inquiète pour ses fils partis combattre. Le contrôle du mouvement lui échappe durant cette période ; il est seul à Vienne mais la psychanalyse se répand à travers le monde avec un franc succès.
Après la guerre, Freud réfléchit sur la cruauté humaine et se penche sur les traumatismes des affections psychiques des névroses de guerre. Il se plonge dans un travail métapsychologique qui lui apparaît plus délicat que prévu. Il se lance dans la rédaction d’un livre faisant une sorte de bilan de ses conceptions métapsychologiques. Ce travail de publication s’étalera entre 1915 et 1917 : Pulsions et destins des pulsions; Le refoulement; l’Inconscient; Complément métapsychologique à la théorie des rêves; et Deuil et mélancolie qui sont généralement regroupés sous le titre commun de Métapsychologie. Ces réflexions sur la vie et sur la mort annoncent la révolution suivante.
1920, nouveau tournant de la carrière de Freud par la parution de la deuxième topique : le Ca le Moi le SURMOI. La deuxième topique s’articule autour de trois ouvrages : " au-delà du principe de plaisir ", " psychologie de masse et analyse du moi " et " Le Moi et le Ca ". Deux personnages de la mythologie apparaissent dans la psychanalyse : Eros et Thanatos.
1920, c’est également une date douloureuse dans la vie de Freud, la mort de sa fille Sophie emportée par une épidémie de grippe laissant deux enfants. Freud ne peut se rendre aux funérailles par cause d’un emploi du temps trop chargé. L’un des orphelins, Heinerle, sera recueilli par Anna, la fille la plus proche de Sigmund. Il décédera à son tour vers 1923 plongeant Freud dans un chagrin indescriptible.
En février 1923, Freud découvre une grosseur du coté droit de son palais. Son médecin lui dissimule la nature maligne de la tumeur, Freud se fâchera avec ce dernier. Six mois plus tard, il subit l’ablation des maxillaires et de la partie droite du palais qui le conduit à l’implantation d’une prothèse en acier qu’il nomme " le monstre ". Il subira en tout seize opérations chirurgicales de la mâchoire.
Il continue de travailler, de chercher, d’écrire, il se livre à des études et à des expériences occultes avec Férenzy principalement sur la télépathie(entre 1921 et 1933). Il fait naître une nouvelle polémique avec " l’avenir d’une illusion " où il compare la religion à une névrose.
Sa mère meurt en 1930 à l’âge de 95 ans ; Freud trop invalide ne peut se rendre à l’enterrement.
Freud constate avec effroi mais sans illusion la montée du nazisme. Il devine que la bestialité humaine va de nouveau se déchaîner. En 1938, au moment de l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne, Freud dissout l’association internationale de psychanalyse plutôt que de la mettre à la disposition de l’idéologie nazie. Grâce à l’intervention du diplomate William Bullitt et à une rançon versée par son amie Marie Bonaparte, Freud et toute sa famille quittent Vienne pour Londre après avoir signé un document stipulant que ni lui ni sa famille n’avait été importunés par le parti nationale socialiste. Il s’installe au 20 Maresfield Gerden, l’actuel Freud Muséum.
Le 21 septembre 1939, il rappelle à son fidèle médecin la promesse effectuée bien des années auparavant : de l’euthanasier à sa demande si la souffrance devenait insupportable. Anna s’oppose pendant deux jours, mais finit par accepter alors que son père est dans le coma. C’est donc le 23 septembre 1939 à trois heures du matin que l’ami et médecin de Freud lui injecte trois fois trois centigrammes de morphine qui plonge le père de la psychanalyse dans son dernier sommeil. Les cendres de Freud reposent actuellement au crématorium de Golders Greens bien loin de ses quatre sœurs mortes dans les camps d’extermination nazis.