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Atteindre directement "De la Nature"
(-515 450)
Il est né en Italie du Sud, à Elée. Il est considéré comme le représentant le plus éminent des Eléates. Il a eu une influence importante sur Platon, c’est peut être pour cette raison qu’on lui prête d’avoir rencontré Socrate. Il aurait été l’élève de Xenophane.
Parménide, c’est avant tout un voyage spirituel de l’ignorance vers la connaissance. Pour lui, le philosophe empreinte un chemin particulier. La vérité ne craint rien, ne veut rien alors que l’opinion craint et veut, alors il faut apprendre la vérité mais aussi l’opinion même si elle est chargée d’erreurs. La connaissance de l’erreur(opinion) est aussi une source de connaissance. Chez Parménide, il faut tout savoir car connaître, c’est tout savoir de la vérité et des erreurs.
Parménide pose deux postulats
L’être ne peut pas ne pas exister, donc il existe absolument. C’est le premier à aborder l’être sur le plan ontologique, c’est à dire l’étant (le discours sur l’être, les caractères qu’on lui attribue). Il remplace le terme « nature » par le terme « être ». L’être est opposé au non-être, l’être produit et le non-être ne produit pas ; il étudie ce qui les distingue mais ne leur reconnaît aucun lien. L’être est une évidence car le néant du non-être ne pourrait produire. On retrouve cette opposition chez les milésiens : « rien ne vient du néant ». L’être est présent en lui-même, il a toujours été là, il est là et il le sera toujours car il est de sa nature d’être éternel. A l’inverse, le non-être ne peut pas avoir de nature éternelle car ce qui n’est pas ne peut pas avoir de nature et de caractéristique.
L’être est intelligible, mais s’il est impossible de le connaître par les sens ; il est uniquement accessible par la connaissance intellectuelle. Les sens procurent des sensations qui doivent être considérées avec une grande méfiance. L’être est concret parce qu’il existe de lui-même. Le concret et l’abstrait (être et non-être) s’opposent :
L’être n’a pas de devenir, sa nature éternelle est contraire au processus de changement. De plus, la nature même de ces caractéristiques que sont : homogénéité, total, plein, continu, un, unique, ne manquant de rien, sans discontinuité, ne permettrait qu’un changement en non-être et le non-être n’étant pas, l’être ne peut pas avoir de devenir. Il est donc indubitablement éternel. Le devenir oblige à ce que le passé périsse pour qu’un présent vive ; les qualités de l’être font qu’il n’a rien à ajouter, ni retrancher, ni modifier, donc rien ne peut périr dans l’être sinon il deviendrait non-être et ne pourrait plus être.
Pour qu’il existe un devenir, il faut qu’il y est manifestation, il faut donc que le non-être se manifeste mais comme le non-être n’est pas , il ne peut y avoir de devenir que l’éternité de l’être ; comme le devenir de l’être est l’éternité, le raisonnement n’est pas valide. Comme l’être ne peut s’anéantir, aucun devenir ne peut advenir pour l’être.
L’être a toujours été car s’il n’avait pas été, il aurait été non-être avant d’être ; or le non-être n’engendre pas. L’être a donc toujours existé, il n’a pas été engendré, il ne peut donc pas être détruit (éternel). Puisqu’il n’est pas né, il ne se développe pas ; s’il ne se développe pas, il est immobile.
Il n’y a pas de mouvement ou de cause à la naissance de l’être, sinon quelle nécessité aurait pu le pousser à être, à passer de rien à quelque chose. S’il avait du non-être (rien) il n’aurait pas de cause non plus, donc l’être ne pourrait pas apparaître. C’est donc qu’il n’a jamais été engendré.
L’être ne peut pas être multiple puisqu’une de ses caractéristiques est d’être sans discontinuité ; la discontinuité laisse de l’espace au non-être qui n’est pas et qui ne peut créer la multiplicité. Etre différent pour l’être, c’est être non-être. Or le non-être n’est pas, donc l’être n’est pas multiple. Le multiple est l’ensemble des choses qui sont différentes les unes des autres ; l’être est un, il ne peut donc pas y avoir de différence.
L’être ne manque de rien et n'a rien en plus, car cela impliquerait qu'il y a autre chose que être donc le non-être, or l’existence du non-être est impossible. Si l’être pouvait avoir quelque chose en plus, il ne serait pas parfait.
L’être est sphérique et esthétique.
La nature de la pensée reflète la nature de l’être, penser et être sont les mêmes choses, or l’être ne manque de rien, ne veut rien, n’a besoin de rien, il ne pense donc qu’à lui-même, car l’être ne peut penser qu’à lui-même (l’être), sinon il penserait au non-être.
Seule la raison peut comprendre l’être, le monde sensoriel est voué à la multiplicité, au mouvement, donc les sens ne pourront jamais appréhender l’être. Pour les sens, tout ce qui est ceci, n’est pas cela, donc cela est néant et le néant ne peut pas être ; de plus tout ce qui n’est pas égal (l’objet lui-même) est également non-être.
Parménide affirme par deux chemins de raisonnement :
L’être existe d’une manière sensible ; ce qui le compose sont « les étants ». L’être dans sa nature sensible est donc soumis au devenir et au multiple. Les Etants sont soumis à deux cas de figure :
Ce n’est pas l’être qui se multiplie mais sa manifestation sensible, l’être ne varie en rien et ce, quelle que soit la nature des Etants. Le multiple, le mouvement et le devenir concernent les Etants mais pas l’être. Les Etants sont multiples, en mouvement et deviennent dans l’être. Ceci s’argumente par le fait que « être » n’a pas le même sens pour l’être que pour les Etants.
En introduisant deux chemins qui peuvent sembler contraires mais qui ne sont bien qu’un ; Parménide argumente par la logique (raison) dans le chemin n°1, que l’être est et le non être n’est pas. Puis dans le chemin n°2, il comprend que l’existence sensible de l’être est égale au non-être donc que être et non-être sont identiques. Parménide critique la valeur de la connaissance sensible du chemin n°2, il semblerait qu’il soit un palliatif pour appréhender le chemin n°1. Ces deux chemins se synthétisent de la façon suivante, marquant le pas d’une antithèse entre la raison et l’expérience :
L’être est manifesté par ses Etants ; l’être n’a pas de devenir mais les Etants composant l’être y sont soumis. Le fond n’a pas de devenir alors que la forme y est soumise, alors quel devenir (anéantissement) pour l’être, en l’absence de non-être. Parménide considère que l’anéantissement de l’être ne peut provenir que par un excès de manifestation des Etants ; mais on ne peut pas faire expérience de l'anéantissement ; cet anéantissement n’est que théorique.
L’existence sensible de l’être, la manifestation, est formée de deux mondes :
Ces deux mondes sont liés par une relation apparition / disparition. Ce qu'on considère comme disparition pourrait être non-apparaître temporaire. L’apparition ne peut venir que de l’être car seul l’être existe ; le non-être ne peut engendrer que la non-apparition qui n’apparaîtrait pas et comme il n’y a pas d’apparition, il ne peut y avoir de disparition. L’apparition de l’être apparaît une fois puis retourne à l’être, il est donc impossible qu’il apparaisse deux fois la même chose. Néanmoins, tout demeure dans l’être.
Tout ce qu'on sait par la sensation chez l’homme, est nommé par Parménide : le chemin de l’opinion. Elle comprend deux principes antagonistes : le feu et la nuit. La cause du mouvement, de l’apparition et de la disparition, est l’Eros car c’est l’amour qui fait se mouvoir et se multiplier.
Parménide pense que la raison nous fait voir l'un, la sensation le multiple. Il prend pourtant la peine de construire une cosmologie qui est un discours pour les Etants mais il sait que ce discours sera débattu par la sensation, donc par l’opinion. Cette dernière fait néanmoins partie de l’être du point de vue de sa nature sensible mais fait partie du non être puisqu’elle n’a pas les caractéristiques de l’être.
En conclusion, Parménide enseigne :
1. on pense l’être; on crée du temps, des discontinuités, des espaces, des apparitions et des disparitions, le changement, le devenir et dans ce cas l’être est et n’est pas car le monde de la sensation nous trompe. C’est le chemin de l’opinion.
2. on ne pense pas l’être, L'espace est continu, homogène, plein., le temps est nié et le devenir dans ce cas l’être est, le non-être n’est pas ; l’Etre dans ce cas est « Un Tout », c’est la raison, c’est la vérité.
Il nous reste de son œuvre 150 vers : « de la nature » dont voici l’intégral :
Chapitre premier
Les cavales qui m’emportent au gré de mes désirs,
se sont élancées sur la route fameuse
de la Divinité, qui conduit partout l’homme instruit;
c’est la route que je suis, c’est là que les cavales exercées
[5] entraînent le char qui me porte. Guides de mon voyage,
les vierges, filles du Soleil, ont laissé les demeures de la nuit
et, dans la lumière, écartent les voiles qui couvraient leurs fronts.
Dans les moyeux, l’essieu chauffe et jette son cri strident
sous le double effort des roues qui tournoient
[10] de chaque côté, cédant à l’élan de la course impétueuse.
Voici la porte des chemins du jour et de la nuit,
avec son linteau, son seuil de pierre,
et fermés sur I’éther ses larges battants,
dont la Justice vengeresse tient les clefs pour ouvrir et fermer.
[15] Les nymphes la supplient avec de douces paroles
et savent obtenir que la barre ferrée
soit enlevée sans retard; alors des battants
elles déploient la vaste ouverture
et font tourner en arrière les gonds garnis d’airain
[20] ajustés à clous et à agrafes; enfin par la porte
elles font entrer tout droit les cavales et le char.
La Déesse me reçoit avec bienveillance prend de sa main
ma main droite et m’adresse ces paroles:
« Enfant, qu’accompagnent d’immortelles conductrices,
[25] que tes cavales ont amené dans ma demeure,
sois le bienvenu; ce n’est pas une mauvaise destinée qui t’a conduit
sur cette route éloignée du sentier des hommes;
c’est la loi et la justice. I1 faut que tu apprennes toutes choses,
et le cœur fidèle de la vérité qui s’impose,
[30] et les opinions humaines qui sont en dehors de la vraie certitude. Quelles qu’elles soient, tu dois les connaître également, et tout ce dont on juge.
il faut que tu puisses en juger, passant toutes choses en revue.
Chapitre second
Allons, je vais te dire et tu vas entendre
quelles sont les seules voies de recherche ouvertes à l’intelligence;
l’une, que l’être est. que le non-être n’est pas,
chemin de la certitude, qui accompagne la vérité;
l’autre, que 1’être n’est pas: et que le non-être est forcément, route où [5]je te le dis, tu ne dois aucunement te laisser séduire.
Tu ne peux avoir connaissance de ce qui n’est pas, tu ne peux le saisir ni l’exprimer;
Chapitre troisième
car le pensé et l’être sont une même chose
Chapitre cinq
II m’est indifférent de commencer d’un coté ou de l’autre; car en tout cas, je reviendrai sur mes pas
Chapitre six
II faut penser et dire que ce qui est est; car il y a être :
il n’y a pas de non-être; voilà ce que je t’ordonne de proclamer.
Je te détourne de cette voie de recherche.
les mortels qui ne savent rien
[5]s’égarent incertains; l’impuissance de leur pensée
y conduit leur esprit errant: ils vont
sourds et aveugles, stupides et sans jugement;
ils croient qu’être et ne pas être est la même chose
et n’est pas la même chose; et toujours leur chemin les ramène au même point
Chapitre sept
Jamais tu ne feras que ce qui n’est pas soit;
détourne donc ta pensée de cette voie de recherche;
que l’habitude n’entraîne pas sur ce chemin battu
ton œil sans but, ton oreille assourdie,
5]ta langue; juge par la raison de l’irréfutable condamnation
que je prononce.
Chapitre huit
II n’est plus qu’une voie pour le discours,
c’est que l’être soit; par là sont des preuves
nombreuses qu’il est inengendré et impérissable,
universel, unique, immobile et sans fin.
[5]I1 n’a pas été et ne sera pas; il est maintenant tout entier,
un, continu. Car quelle origine lui chercheras-tu ?
D’où et dans quel sens aurait-il grandi? De ce qui n’est pas? Je ne te permets
ni de dire ni de le penser; car c’est inexprimable et inintelligible
que ce qui est ne soit pas. Quelle nécessité l’eût obligé
[10]plus tôt ou plus tard à naître en commençant de rien?
Il faut qu’il soit tout à fait ou ne soit pas.
Et la force de la raison ne te laissera pas non plus, de ce qui est,
faire naître quelque autre chose. Ainsi ni la genèse
ni la destruction ne lui sont permises par la Justice; elle ne relâchera
pas les liens
[15]où elle le tient. [ Là-dessus le jugement réside en ceci ] :
Il est ou n’est pas; mais il a été décidé qu’il fallait
abandonner l’une des routes, incompréhensible et sans nom, comme sans vérité,
prendre l’autre, que l’être est véritablement.
Mais comment ce qui est pourrait-il être plus tard? Comment aurait-il pu devenir?
[20]S’il est devenu, il n’est pas, pas plus que s’il doit être un jour.
Ainsi disparaissent la genèse et la mort inexplicables.
II n’est pas non plus divisé, car Il est partout semblable;
nulle part rien ne fait obstacle à sa continuité, soit plus,
soit moins; tout est plein de l’être,
[25]tout est donc continu, et ce qui est touché à ce qui est.
Mais il est immobile dans les bornes de liens inéluctables,
sans commencement, sans fin, puisque la genèse et la destruction
ont été, bannies au loin. Chassées par la certitude de la vérité.
il est le même, restant en même état et subsistant par lui-même;
[30]tel il reste invariablement; la puissante nécessité
le retient et l’enserre dans les bornes de ses liens.
II faut donc que ce qui est ne soit pas illimité;
car rien ne lui manque et alors tout lui manquerait.
Ce qui n’est pas devant tes yeux, contemple-le pourtant comme sûrement présent à ton esprit.
Ce qui est ne peut être séparé de ce qui est;
il ne se dispersera pas en tous lieux dans le monde,
il ne se réunira pas. . .]
C’est une même chose, le penser et ce dont est la pensée;
[35]car, en dehors de l’être, en quoi il est énoncé,
tu ne trouveras pas le penser; rien n’est ni ne sera
d’autre outre ce qui est; la destinée l’a enchaîné
pour être universel et immobile; son nom est Tout,
tout ce que les mortels croient être en vérité et qu’ils font
[40]naître et périr, être et ne pas être,
changer de lieu. muer de couleur.
Mais, puisqu’il est parfait sous une limite extrême!
il ressemble à la masse d’une sphère arrondie de tous côtés,
également distante de son centre en tous points. Ni plus
[45]ni moins ne peut être ici ou là;
car il n’y a point de non-être qui empêche l’être d’arriver
à l’égalité; il n’y a point non plus d’être qui lui donne,
plus ou moins d’être ici ou là, puisqu’il est tout, sans exception.
Ainsi, égal de tous côtés, il est néanmoins dans des limites.
[50]J’arrête ici le discours certain, ce qui se pense
selon la vérité; apprends maintenant les opinions humaines;
écoute le décevant arrangement de mes vers.
- On a constitué pour la connaissance deux formes sous deux noms; c’est une de trop, et c’est en cela que consiste l’erreur.
[55]On a séparé et opposé les corps, posé les limites
qui les bornent réciproquement; d’une part, le feu éthérien, la flamme bienfaisante, subtile, légère, partout identique à elle-même,
mais différente de la seconde forme; d’autre part, celle-ci,
opposée à la première, nuit obscure, corps dense et lourd.
[60]Je vais t’en exposer tout l’arrangement selon la vraisemblance,
en sorte que rien ne t’échappe de ce que connaissent les mortels.
Chapitre neuf
Mais puisque tout a été nommé lumière ou nuit,
et que, suivant. leurs puissances, tout se rapporte à l’une ou à l’autre,
l’univers est à la fois rempli par la lumière et par la nuit obscure;
elles sont égales et rien n’est en dehors d’elles.
chapitre 10
Tu sauras la nature de l’éther, et dans l’éther
tous les signes et du Soleil arrondi la pure
lumière, ses effets cachés et d’où ils proviennent; tu apprendras les œuvres vagabondes de la Lune circulaire,
[5]sa nature; tu connaîtras enfin le ciel étendu tout autour,
tu sauras d’où il s’est formé et comment la nécessité qui le mène l’a enchaîné
pour servir de borne aux astres
chapitre onze
Comment la Terre, le Soleil et la Lune,
L’éther commun le lait du ciel, l’Olympe
le plus reculé et les astres brûlants ont commencé
à se former.
Chapitre douze
Les plus étroites (couronnes) sont remplies de feu sans mélange;
les suivantes le sont de nuit; puis revient le tour de la flamme.
Au milieu de toutes est la Divinité qui gouverne toutes choses ;
elle préside en tous lieux à l’union des sexes et au douloureux enfantement.
[5]C’est elle qui pousse la femelle vers le mâle et tout aussi bien
le mâle vers la femelle. .
chapitre treize
Elle a conçu l’Amour, le premier de tous les dieux.
Chapitre quatorze
Brillant pendant la nuit, elle roule autour de la Terre sa lueur étrangère
Chapitre quinze
Regardant toujours vers la splendeur du Soleil.
Chapitre seize
Tel est, soit d’une façon, soit de l’autre, le mélange qui forme le corps et les membres,
telle se présente la pensée chez les hommes; c’est une même chose
que l’intelligence et que la nature du corps des hommes
en tout et pour tout; ce qui prédomine fait la pensée
chapitre dix-sept
C’est ainsi que, selon l’opinion, ces choses se sont formées et qu’elles sont maintenant
et que plus tard elles cesseront, n’étant plus entretenues.
A chacune d’elles les hommes ont imposé le nom qui la distingue.