HUSSERL (1859 A 1938) :

Husserl est né à Prossnitz(Autriche – Hongrie) dans une famille juive. Il étudie les mathématiques et la philosophie à l’université de Leipzig et de Berlin. Il suit également des cours de psychologie avec Brentano avec lequel il se lie d’amitié.

A 27 ans, il se convertit et rejoint l’église luthérienne évangélique. Il se marie très peu de temps après avec une femme d’origine juive converti elle aussi à la même foi. Ils ont trois enfants. Il poursuit une carrière d’universitaire dont l’apogée reste un titre de doctor juris honoris causa à Bonn en 1919. En 1928, il est âgé de 69 ans il est professeur honoraire de l’université de Berlin, il est remplacé par Heidegger sous sa proposition.

En 1933, ses origines juives lui valent d’être rayé des professeurs de l’université de Berlin. malgré la mort d’un de ses fils sur le champs d’honneur.

Husserl, s’inspire largement de la philosophie grecque dans ses travaux pour fonder sa pensée phénoménologique.

Husserl n'invente pas le mot phénoménologie, on le trouve par exemple chez Hegel, mais il lui donne une signification nouvelle et plus complète. La phénoménologie exprime l’abstention en philosophie de toutes interprétations trop hâtive et d’orienter la recherche en priorité vers ce qui apparaît à la conscience et d’abandonner tout jugement. Le but d’Husserl est de fonder une méthode philosophie que l’on pourrait définir comme : " science rigoureuse ". Elle est la science qui étudie les phénomènes qui n’apparaissent pas dans l'expérience. La phénoménologie décrit les choses qui se présentent à la conscience et de quelle façon elles apparaissent.

" Phénoménologie ; cela désigne une science, un ensemble de disciplines scientifiques ; mais phénoménologie désigne en même temps et avant tout une méthode et une attitude de pensée ; l’attitude de pensée spécifiquement philosophique et la méthode spécifiquement philosophique. "

Husserl lutte contre une forme de psychologisme qui amalgame les lois de la logique et les lois du psychologique régissant l'esprit humain. Il n’est pas en reste contre le positivisme qui prétend éliminer la philosophie au profit des sciences, courants dominant à l'époque.

La véritable connaissance est la vision d'idées ou essences. Pour atteindre les idées, il faut éliminer les éléments empiriques. Nous voilà de retour dans les théories platoniciennes.

1. La conscience ou l’intentionnalité :

La phénoménologie est avant toutune réflexion visant à étudier la conscience hors de quoi elle est consciente au moment où elle en prend conscience.

Pour Husserl, il y a :

Chaque objet a pour nous une signification qui nous est propre. Nos sens l’appréhendent et nous devenons conscients de l’objet . Si l’objet est un cube rouge, nous sommes conscients de sa forme cubique et de sa couleur rouge. Déjà ces deux concepts sont sujet à de nombreuses tergiversations qui nous éloignent du " cubique de couleur rouge ". La nature de ce que nous sommes conscients a changé alors que le fait d’être conscient lui est resté invariable. Ce processus par lequel la conscience est toujours consciente de quelque chose, cette association indéfectible, Husserl la nomme " intentionalité ". Il y a toujours un " je pense ", " un cogito " qui ne soit pas en même temps " je pense quelque chose ", un objet pensé, " un cogitatum ".

" Toute conscience est conscience de quelque chose. Tout état de conscience en général est, en lui-même, conscience de quelque chose, quoi qu’il en soit de l’existence réelle de cet objet et quelque abstention que je fasse, dans l’attitude transcendantale qui est mienne, de la position de cette existence et de tous les actes de l’attitude naturelle. "

" L’intentionnalité ne signifie rien d’autre que cette particularité foncière et générale qu’a la conscience d’être conscience de quelque chose, de porter, en sa qualité de cogito, son cogitatum en elle-même. "

2. Objet visé et objet intentionnel(la noèse et le noème) :

Il existe en permanence une corrélation entre la conscience et l’acte de la conscience ; par exemple : aimer, se souvenir, percevoir. On aime quelque chose ou quelqu’un ; on se souvient de quelque chose ou de quelqu’un, on perçoit telle ou telle chose. Il y a une association, un amalgame systématique entre la conscience et son but. On peut dire que suivant Husserl ; il y a identification entre l’un et l’autre. Il emploie deux termes pour décrire ce phénomène :

L’objet visé(noème) est le fruit de la synthèse de toutes les précédentes " noèse et noème " ; il résulte par ce processus une forme " d’unité " de ce que la conscience a accumulé comme " noèse-noème " devant cette nouvelle " noèse-noème ". Il en est ainsi dans chaque instant de la vie. La noème est en fait " la hyle ", " la matière " sensorielle préalablement accumulée par l’action de la noèse. C’est le fruit du passé qui fait du noème un objet relatif à notre subjectivité et non un objet tel qu’il est en " soi ".

La phénoménologie se propose d’analyser et de décrypter cette relation " noèse et noème " pour défaire " la noème " de son enveloppe des sensations passées.

3. Les réductions

a) La réduction eidétique ou les essences :

Lorsque la conscience prend conscience de l’objet pensée et qu’elle le scrute par " comment est cet objet ", il ne s’agit en aucun cas du " moi empirique " qui procède d’une impression subjective relevant de l’activité anarchique de la psyché ; mais uniquement de placer l’objet pour ce qu’il est sans y mettre ce que nous pensons qu’il est. Plus simplement il s’agit d’observer l’environnement tel qu’il est sans y placer.

En faisant varier la nature du " comment ", en supprimant consciemment le vécu(le subjectif, notre point de vue, notre émotionnel), il devient possible de conserver " l’essence ", l’essence universelle du phénomène(de l’objet). Le phénomène est alors " vu " pour ce qu’il est et non plus comme nous le voyons ; il est alors défait de ce que nous sommes pour être appréhender dans son aspect le plus concret : un phénomène, ce qu’il " est " véritablement dans ses différents communs dénués de notre conditionnement. Husserl appelle " accident " nos points de vue psychologique sur l’objet.

La réduction éidédique permet d’élucider comment(les actes passés) notre conscience s’est construite et quelle est la nature de notre objectivé devant l’objet. C’est par l’analyse du " comment nous percevons notre environnement " que nous pouvons décrire l’arrière plan de la constitution de la conscience.

Cette réduction ne concerne pas les cas particuliers d’untel ou d’untel mais les lois fondamentales qui relient tous les vécus de tous les hommes. C’est ici qu’intervient un terme majeure de la phénoménologie : " l’intuition ". Cette intuition n’a rien à voir avec la divination, mais constitue l’intuition de l’essence de l’universel qui siège en chacun.

b) La réduction phénoménologique ou suspension du jugement(époché)

Le sujet appréhende l’objet mais suspend son jugement, son avis. Il ne s’agit plus comme dans la réduction éidétique de regarder le phénomène sous " son comment " mais juste de la regarder sans jugement. Le sujet regarde un objet sans autre lien que celui du regard.

Dans l’’époché, il ne subsiste que le Noème(l’acte de visé) sans aucune part, autant que faire ce peut, de noèse. L’acte de se souvenir est observé sans qu’il y ait souvenir, la perception est présente sans qu’il y ait de saisie de la perception, etc…

" Quand je procède ainsi, je ne nie donc pas ce " monde " comme si j’étais sophiste ; je ne mets pas en doute son existence comme si j’étais sceptique ; mais j’opère l’époché " phénoménologique " qui m’interdit absolument tout jugement sur l’existence spatio-temporel "

4. La réduction transcendantale ou le moi pur(sujet transcendant) :

Le monde est provisoirement mis en suspension au niveau :

Dans cette démarche apparaît l’ego pur qui, isolé du monde se laisse découvrir. Comme l’activité de l’environnement s’estompe provisoirement, il reste la seule activité de la conscience sans que cette conscience soit consciente de….Cette conscience, " sans être conscient de….. " est nommée " le moi pur " ou " le moi transcendantal ". Dans cet état, la conscience est uniquement consciente d’elle-même ; elle permet de déceler l’aspect irréductible de la conscience qui est pour Husserl le maillon ultime de la connaissance de l’être. Il considère qu’il s’agit là du sujet absolu, nécessaire, informatisable et anhistorique .

Dans la réduction transcendantale, l’univers est l’objet pensé du sujet, purifié de l’activité psychique, qui par le biais de son intuition lui donne un sens qui n’altère ni le sujet pensant, ni l’univers pensé.

" Nous sommes par notre activité philosophique les fonctionnaires de l'humanité.

Quiconque veut vraiment devenir philosophe devra " une fois dans sa vie " se replier sur soi-même et, au-dedans de soi, tenter de renverser toutes les sciences admises jusqu'ici et tenter de les reconstruire. La philosophie - la sagesse est en quelque sorte une affaire personnelle du philosophe. Elle doit se constituer en tant que sienne, être sa sagesse, son savoir qui, bien qu'il tende vers l'universel, soit acquis par lui et qu'il doit pouvoir justifier dès l'origine et à chacune de ses étapes, en s'appuyant sur ses intuitions absolues.

L'Europe a un lieu de naissance. Je ne songe pas, en terme de géographie, à un territoire, quoiqu’elle en possède un, mais à un lieu spirituel de naissance, dans une nation ou dans le cœur de quelques hommes isolés et de groupes d'hommes appartenant à cette nation. Cette nation est la Grèce antique du VII et du VI siècles avant Jésus-Christ. C'est chez elle qu'est apparue une attitude d'un genre nouveau à l'égard du monde environnant; il en est résulté l’irruption d'un type absolument nouveau de créations spirituelles qui rapidement ont pris les proportions d'une forme culturelle nettement délimitée. Les Grecs lui ont donné le nom de philosophie; correctement traduit selon son sens originel, ce terme est un autre nom pour la science universelle, la science du tout du monde, de l'unique totalité qui embrasse tout ce qui est.

La raison n'est pas une faculté ayant le caractère d'un fait accidentel; elle n'englobe pas sous sa notion des faits accidentels, mais elle est une forme de structure universelle et essentielle de la subjectivité transcendantale en général.

La mathématique, - l'idée d'infini, de tâches infinies - est comme une tour babylonienne: bien qu'inachevée elle demeure une tâche pleine de sens, ouverte sur l'infini; cette infinité a pour corrélât l'homme nouveau aux buts infinis.

Tout bien pesé, je suis d'avis qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais de science objective de l'esprit, de doctrine objective de la psyché, l'objectivité consistant à condamner les psychés, les communautés personnelles à l'inexistence, en les soumettant aux formes de l'espace et du temps. "

5. La conscience intime du temps :

Husserl démontre la relation qui existe entre deux sortes temps

Ce qui se présente en premier lieu à la conscience, c’est la sensation où siège la présentification des sensations passées avec d’or et déjà une projection future. De ce fait, le présent n’est pas une instantanéité mais une étendue temporelle tri-dimensionnelle(passé - présent et futur). Ce qui vient d’arriver(la rétention) et ce qui va immédiatement arriver(protention) sont contenus dans le présent. Ce phénomène qui va arriver dans l’instant présente la particularité. Il existe selon Husserl, une chaîne de rétention ayant pour source ce maintenant présent dont chaque maillon a été une fois le maintenant présent pour devenir un présent révolu. C’est ce présent révolu qui permet le souvenir et le travail de la réduction éidétique débouchant sur une présentification thérapeutique et salvatrice.

6. L’intersubjectivité :

C’est une autre des données fondamentales de la conscience. C’est la façon dont le Moi et ses différents vécus peuvent accepter l’existence d’un autre moi(Moi transcendantal ou Moi pur de la réduction transcendantal). Cette connaissance permet d’accéder à la pure objectivité qui s’établit comme dénominateur commun de la pensée de tous les êtres.

Cette conscience d’un autre Moi a pour support le corps comme outil de perception, générateur de la sensation et des champs d’expérimentation du présent. C’est en se fondant sur cette expérience(d’un autre Moi) que peut s’effectuer l’acceptation de l’apparition d’autres corps communs à tous les êtres. Nous vivons ainsi dans un monde qui est éprouvé en même temps par d’autres sujets et qui nous est commun. Le monde est donc pour chacun et, par là, déterminé de façon intersubjective.

7. Les principales œuvres.