HEIDEGGER (1889 à 1976):

Heidegger à mener une vie plutôt calme. Il passa toute sa vie dans le pays de Bade(Allemagne du Sud Ouest) où il est d’ailleurs né. Il fût tour à tour étudiant, professeur et recteur de l’université de Fribourg. Il se mari en 1916 ; il est père de deux fils.

C’est lui qui remplace Husserl à l’université, mais il fut préalablement son disciple et assistant. En 1933, il adhère au parti nazi et tient de nombreux discours à caractère apocalyptique et anti-humaniste. Bien qu’il démissionne en 1934 et qu’il prend ses distances, il ne reniera jamais publiquement cette idéologie même après le douloureux constat des camps d’extermination. En 1944, Heidegger est réquisitionné pour des travaux de fortification sur le Rhin. Il est alors considéré par le régime comme faisant partie de la " dernière " catégorie des professeurs, ceux dont on n’a rien à faire. Puis il est enrôlé dans la milice populaire. C’est peut être cette attitude qu’il lui vaudra d’être interdit d’enseignement par les alliés en 1952. Il passe le restant de sa vie entre l’écriture et les conférences.

a) Existence et réalité

Il faut distinguer l’existence de la réalité. La matière inerte (fruit, table, pierre, etc…) est disponible à notre consciences et se prolonge le cas échéant en actions. Il n’en est pas de même dans la relation avec un être humain qui établit dans une relation de soi à soi, une projection d’un individu sur un autre individu sélectionnant ce que l’autre peut être. Le Dasein dont nous laisserons à Heidegger le soin d’en expliquer le sens: " Cet étant que nous sommes chaque fois et qui a, entre autres possibilités d’être, celle de questionner, nous lui donnons sa place dans notre terminologie sous le nom de Dasein " ou encore " ce au sein de quoi l’homme déploie tout son être ". Le Dasein, c’est l’individu avant qu’il ne soit soumis au choix d’une attitude ou d’un comportement. Le Dasein n’a pas de substance mais se trouve irrémédiablement poussé par ce qui est réalisable dans le contexte expérimenté. Dès que l’individu cherche à anticiper, à éviter, qu’il redoute ou qu’il cède, il quitte l’être-là(Dasein) pour devenir un étant, un existant.

Heidegger étudie l’existence à partir des existentiaux qui sont des attitudes typiques de l’existence :

Heidegger nous demande de réfléchir sur " L’être-au-monde ". Exister, c’est être constamment impliqué dans un affairement c’est à dire une projection vers le futur. Le travail en est un exemple, parce que nous avons souci de notre survie. Pour le dire autrement, notre environnement n’est pas un ensemble objectif de réalités neutres mais des anticipations qui nous font donner du sens à certains objets, certains biens et pas à d’autres. Ainsi, je situe comme proche, je " soustrais au lointain " certains objets, certaines personnes qui ont pour moi un sens mais je ne le fais pas, par exemple, pour ce trottoir où je marche et que pourtant je touche. Dans mon " affairement " certains étants comptent spontanément : ceux, par exemple, dont je me sers lorsque j’écris : le stylo, la plume, le meuble qui me sert de bureau etc. Ces choses sont pour nous des signes. Cet " être-au-monde ", il faut le comprendre et l’apprendre. Apprendre, c’est simplement stocker des connaissances alors que comprendre, c’est être bien adapté à quelque chose, c’est témoigner sans avoir même besoin de parler que l’on est capable d’agir dans une activité, une situation etc. Le Dasein comprend lorsqu’il pénètre de son propre mouvement vers le possible Lorsque le Dasein ne comprend il génère l’angoisse : quand la peur est toujours crainte de quelque chose, l’angoisse est expérience du rien et du nulle part. Nous prenons conscience que l’existence est absurde c’est à dire privée de sens. Nous sommes " l’être-hors-de-chez-soi " c’est à dire confronté à cette propension au possible qui caractérise le Dasein et qui ne reconnaît nulle chose ou nul lieu comme fixation acceptable.

b) Le Souci et l’être-pour-la-mort.

Il y a trois moments au Souci :

 

Nous devons penser cela en rapport avec la vision heideggerienne de la mort. Heidegger montre que, pour la banalité quotidienne, pour l’opinion commune, la mort est un accident courant, un événement ordinaire : " On meurt bien finalement un jour, mais en attendant on reste soi-même sain et sauf " . La mort est un indéterminé qui ne manquera pas d’arriver mais qui, jusque là, ne nous concerne pas. Elle ne concerne que le " on " c’est à dire personne en particulier. Il ne faut pas que la mort dérange et tire les gens de leur " soucieuse insouciance ". La banalité quotidienne est affairée par l’urgence de ses soucis (qu’il ne faut justement pas confondre avec le Souci), ceux de la vie familiale, professionnelle et sociale, et la mort ne doit pas nous en détourner car elle est inaction et entrave. Ainsi la " dictature du On " exerce-t-elle son emprise pour réglementer le comportement convenable envers la mort. Mais refuser de penser la mort, c’est refuser de penser notre propre mort.

" L’être-pour-la-fin prend comme mode d’être celui d’une échappatoire devant cette fin " (Etre et temps). Alors que nous sommes des " êtres-pour-la-fin " c’est à dire des êtres qui doivent mourir (" Seul l’homme meurt, l’animal périt "), nous essayons d’échapper à cette fin et de nous la masquer. Mais c’est vouloir échapper à sa propre nature car tel est le Souci : l’homme est jeté dans le monde et livré à sa mort. Cet état d’abandon, de solitude morale, se dévoile par le sentiment de l’angoisse. " La mort est en tant que fin de la réalité humaine dans l’être de cet existant qui existe pour sa fin. " En somme, refuser de penser la mort, c’est refuser l’angoisse fondamentale qui nous caractérise. La penser, c’est au contraire se comprendre soi-même, restituer à l’existence son sens authentique, admettre que notre fin est la mort. Nous nous ouvrons alors à la menace continuelle qui n’est menace " ni de ceci ni de cela " mais qui monte de notre être-au-monde et nous révèle l’angoisse. Surmontant notre lâcheté, nous nous comprenons nous-mêmes, nous réintégrons notre liberté qui est liberté pour la mort.

La mort est ainsi le noyau même de la vie. Dès qu’un homme naît, il est assez vieux pour mourir. La mort est d’autant plus au fondement de l’individualité qu’il est impossible de partager sa mort. Toute mort est solitaire et unique. La vie authentique est celle qui se sait sans cesse promise à la mort et l’accepte courageusement et honnêtement. Il faut traquer tout ce qui nous pousse à nous cacher la mort.

c) L’Etre et l’étant

Tout part d’une question pour le moins scabreuse :

" Pourquoi y a-t-il des étants, des existants, des choses qui sont, plutôt que rien "

Rappelle :

 

Heidegger oppose deux façons de comprendre un participe présent. Par exemple " passant " peut désigner l’homme (l’individu) qui passe mais aussi ce qui arrive à un individu. Quand je dis " un passant ", je n’utilise pas le participe présent de la même façon que lorsque je dis que j’ai surpris un homme au régime " mangeant " des friandises. Or, on peut appliquer cette distinction au verbe être. " Étant " peut avoir deux sens :

Ou bien " étant " désigne une chose. Un étant, c’est donc une chose quelconque qui a part à l’être, qui est " quelque chose qui est " . L’homme, par exemple, est un étant particulier, celui qui a pour nom Dasein.

" étant " peut aussi qualifier ce qui arrive à un étant en train d’être. L’être lui survient comme un processus à la fois étrange et fondamental.

Il peut paraître, certes, saugrenu de regarder un cendrier et de s’extasier sur le fait qu’il " en train " d’être mais nous n’avons aucune hésitation à reconnaître que le cendrier est un étant parce que, de fait, il a de l’être.

Heidegger décrit la genèse de l’étant à partir de l’Être. L’Être nous donne l’étant. Il s’agit donc de penser une dimension au-delà du monde, comme un puits sans fond " derrière " toute chose (" derrière " n’ayant, bien entendu, aucune signification spatiale car seul l’étant est dans l’espace). Heidegger n’identifie pas cet acteur mystérieux qu’est l’Être, contrairement à ce que fait la théologie. Nous sommes conduits nécessairement à penser l’Être mais il n’a ni visage, ni histoire.

Dans Kant et le problème de la métaphysique, Heidegger rappelle que la connaissance est connaissance de l’étant, connaissance non empirique puisqu’elle anticipe toute expérience possible et énonce des vérités nécessaires qui permettent la prévision. Ce qui est connaissable de l’étant est une façon d’être ce qu’il est qu’il partage avec les étants de sa famille, de sa région.

Dans une seconde période de sa pensée, Heidegger dénonce la métaphysique. Penser l’Être comme être de l’étant, c’est oublier l’Être. Il faut prendre l’Être au sérieux dans sa différence avec l’étant et donc dépasser la métaphysique :

L’Être nous donne l’étant. L’Être soustrait l’étant du néant, le sort de l’occultation. Il y a des choses (de l’étant) puisque l’Être nous les donne. Il est cet événement qui fait que toute chose qui est (tout étant) se tient dans l’Être et vaut comme étant. Il n’est donc rien puisqu’il ne se confond avec aucune chose.

L’Être est langage. C’est dans la parole qu’il se donne. Les choses en effet sont les choses telles que nous les vivons, les accueillons et les intégrons à notre monde. Nous nommons les choses et c’est la parole rapportant leur présence qui donne les choses pour ce qu’elles valent pour nous.

d) Les principales œuvres.