MERLEAU PONTY (1908 à 1961) :

Maurice Merleau-Ponty est né à Rochefort-sur-Mer, le 14 mars 1908. Il fait ses études secondaires au Havre, puis à Paris, au lycée Jeanson-de-Sailly et à Louis-le-Grand. Elève de l’Ecole Normale Supérieure, où il eut pour condisciple Sartre, de 1926 à 1930, il est reçu à l’agrégation de philosophie en 1930.

Il enseigne la philosophie à Chartres, puis à Paris. Il est nommé agrégé-répétiteur à l’école de la rue d’Ulm, officier en 1939-1940, il est reçu docteur-es-lettres en 1945 pour ses deux ouvrages qui le distinguèrent : La Structure du comportement (1942) et la Phénoménologie de la Perception (1945). Cette même année, il fonde avec Jean-Paul Sartre, l’École normale supérieure, ainsi qu’avec Simone de Beauvoir, la revue Les Temps modernes, qu’il quittera en 1951.

Hegel l’inspire pour sa dialectique mais il est aussi influencé par Husserl, sans accepter l’idée d’un moi transcendantal. Il s’est rapproché progressivement de Heidegger. La tradition française (Maine de Biran, Bergson) et la Gestalt Theorie sont aussi aux sources de sa pensée.

Maurice Merleau-Ponty meurt brutalement, à sa table de travail, le soir du 3 mai 1961, à l’âge de 53 ans. Le Visible et l’Invisible sera édité comme œuvre posthume, en 1964.

Faisant sien le précepte de Husserl, " revenir aux choses mêmes " , Merleau-Ponty s’est efforcé de retourner à l’expérience vécue et de décrire concrètement le réel.

Les concepts fondamentaux de sa philosophie sont les suivants:

 

Il aborde aussi largement dans son œuvre, les paradoxes que soulève la perception:

" Chercher l’essence de la perception, c’est déclarer que la perception est non pas présumée vraie mais définie pour nous comme accès à la vérité. "

La phénoménologie, c’est d’abord le désaveu de la science. " Le savant, en effet, a toujours une conception implicite de la subjectivité ou de l’objectivité qui déforme les données qu’il recueille. La critique est donc ici tournée contre un positivisme naïf, " chosiste " et contre la psychologie qui occulte la subjectivité de ses données et ne saurait être une science. Il faut tourner le dos tant au rationalisme qu’à l’empirisme.

Merleau Ponty centre sa réflexion sur le rapport qui lie l’homme à la nature. Il s’oppose contre ceux qui expliquent les phénomènes uniquement sur le plan causal(extérieur) et contre ceux qui veulent tout analyser à partir de la pure conscience(intérieur). Il présente une hypothèse intermédiaire, une troisième dimension, l’inter monde dans le rapport qui lie l’homme à la nature. Par ces raisonnement, il démontre que le comportement n’est pas une simple réaction à quelques stimuli mais, avant tout, des significations visées par la conscience. Avant même toute intention de l’âme, les comportements ont un sens en tant qu’ils sont des réponses à la signification vitale de la situation. Le comportement est une forme possédant une structure. " La structure est la jonction d’une idée et d’une existence indiscernables, l’arrangement contingent par lequel des matériaux se mettent devant nous à avoir un sens.. "

La conscience percevante n’est pas une conscience pure car percevoir, c’est percevoir du sens. La conscience n’est pas un réceptacle passif des sensations, la conscience est pleinement engagée dans le processus, elle n’est donc pas impartiale. Le sujet n’est jamais une âme pure, une substance séparée. Toute existence est incarnée. Mais le corps n’est pas une simple substance étendue mais un ensemble de significations vécues. Le corps est animé, l’esprit est incarné, l’esprit et le corps ne se séparent pas. Le corps comme support de la sensorialité est tout entier impliqué, il s’agit d’un lien indissoluble entre la conscience et le corps révélé entre autre par le talent créateur de l’artiste. L’expérience que le corps emmagasine par le truchement des sens, provoque une indépassable ambiguïté qui le contraint à ne jamais pouvoir être ni une pure chose, ni une pure conscience. Par ce point de vue, Merleau Ponty fait du corps un ensemble de manifestations vécues au détriment d’un ensemble matériel. Il fait naître la notion de " schéma corporel " comme représentation de la réalité vécue. C’est ce schéma corporel qui le renseigne sur tous les aspects de son corps.

Entre la conscience et les choses existe un inter-monde c’est à dire le monde culturel des institutions et des symboles, des sens déjà donnés, déposés par la culture et l’histoire. Par exemple, si je perçois le printemps comme joyeux, c’est parce que toute une tradition culturelle me le fait percevoir comme tel, parce que les Grecs le fêtaient, qu’on l’associa historiquement à la révolution etc. Toute expérience humaine a une dimension historique. L’inter-monde entre la conscience et les choses est d’abord le langage. Le sens n’est pas dans les consciences mais entre elles. Le langage est le tissu de la relation à autrui mais il s’inscrit dans le rapport de la conscience et du monde qui définit notre condition.

Vers la fin de sa vie, il développe une nouvelle ontologie(relevant de l’être). La troisième dimension entre l’intérieur et l’extérieur de l’individu, l’inter-monde, le domaine médian doit être cherché dans " l’être même " ; il développe le concept de " chair du monde ". L’homme ne se tient pas face au monde mais est une partie du tout de celui-ci. Les structures, les formes, les sens de l’homme se fondent dans la chair de l’être ; ce dernier est invisible et ne laisse pas même apparaître sa plénitude.

"le préjugé qui fait de l’amour, de la haine ou de la colère des " réalités intérieures " accessibles à un seul témoin, celui qui les éprouve. Colère, honte, haine, amour ne sont pas des faits psychiques cachés au plus profond de la conscience d’autrui! ce sont des types de comportement ou des styles de conduite visibles du dehors. Ils sont sur ce visage ou dans ces gestes et non pas cachés derrière eux (...) . Il ne faut pas dire que seuls les signes de la colère ou de l’amour sont donnés au spectateur étranger et qu’autrui est saisi indirectement et par une interprétation de ces signes, il faut dire qu’autrui m’est donné avec évidence comme comportement ". Sens et Non-Sens (1948).

" La nature était au premier jour comme elle est aujourd’hui cela ne veut pas dire : mythe de l’indivision originaire et coïncidence comme retour. Il s’agit de trouver dans le présent, la chair du monde(et non dans le passé) un " toujours neuf " et " toujours le même " - Une sorte de temps du sommeil (qui est la durée naissante de Bergson, toujours neuve et toujours la même).Le sensible, la Nature, transcendent la distinction passé/ présent, réalisent un passage par le dedans de l’un dans l’autre Éternité existentielle. L’indestructible, le Principe barbare. " (le visible et l’invisible)