LES SCEPTIQUES :

Le terme de scepticisme signifie littéralement " examen circulaire " tel que la définie son père fondateur Pyrrhon d’Elis (-275 –365) . Le point de départ de son raisonnement, c’est de découvrir la paix de l’âme par la suspension du jugement(époché). Si nous souffrons, c’est que nous voulons tout expliquer, tout commenter, tout connaître et par voie de conséquence nous donnons de la valeur aux choses et aux phénomènes. Dès lors que l’envie d’expliquer, de commenter, de connaître disparaît, alors la valeur des choses et des phénomènes disparaît pour laisser place à l’ataraxie(la paix de l’âme). Les philosophes sceptiques passaient leur temps à détruire les dogmes des autres sectes et n’en établissaient aucun pour leur part.

Les dogmes sont emprunts de cet handicap car ils contraignent à la connaissance par les affirmations qu’ils dégagent. Néanmoins, il manque au dogme une qualité fondamentale celle de se remettre en cause eux-mêmes. Pour les sceptiques, les dogmes sont fatalement inaptes car ils rejettent toutes les hypothèses que ne relèvent pas d’eux-mêmes sans pour autant prouver que leurs thèses sont justes. Un dogme est en fait un système qui ne permet de se critiquer lui-même. En fait, le sceptique doute de tout car tout énoncé qui ne doute pas de lui-même est dogmatique. Le scepticisme n’est pas un rejet global et brutal, c’est au contraire une analyse fine et méthodique produisant un constat que seul le doute est l’attitude valide.

Les sceptiques ne doutent pas de l’élémentaire comme boire, manger et respirer, mais de là à qualifier que la nourriture est bonne, copieuse, d’énoncer une forme ou une couleur, c’est pour eux autre chose. Ce n’est pas que l’aspect sensoriel n’existe pas mais il est toujours possible d’y adjoindre une part d’ignorance et d’incertitude vue sur son aspect fondamental. Par exemple, le sceptique ne doute pas que le miel est sucré mais de comment il est sucré, c’est le fait d’être sucré qui est remis en cause et non le goût sucré.

Pyrrhon d’Elis voyageât jusqu’en l’Inde et les mages, d’où il a tiré sa philosophie si remarquable, introduisant l’idée qu’on ne peut connaître aucune vérité, et qu’il faut suspendre son jugement. Il soutenait qu’il n’y a ni beau, ni laid, ni juste, ni injuste, que rien n’existe réellement et d’une façon vraie, mais qu’en toute chose les hommes se gouvernent selon la coutume et la loi. Car une chose n’est pas plutôt ceci que cela. Sa vie justifiait ses théories. Il n’évitait rien, ne se gardait de rien, supportait tout, au besoin d’être heurté par un char, de tomber dans un trou, d’être mordu par des chiens, d’une façon générale ne se fiant en rien à ses sens.

Pyrrhon d’Elis préconise de toujours chercher une pensée contraire à la pensée que l’on défend, puis de cette nouvelle pensée une nouvelle peut contrarier les arguments de la précédente, etc… Cette pratique est nommée isosthénie ou conflit des forces équivalentes. De là, naît indubitablement l’ataraxie, car le détachement du phénomène vécu, certains disent indifférence, s’éveillera de lui-même.

Ô vieillard, ô Pyrrhon, comment et où as-tu trouvé ce moyen de sortir
De la servitude des opinions et de la vaine stupidité des sophistes,
Et comment de toutes les tromperies as-tu délié le lien
Et n'as-tu point cherché avec les autres quels vents
Soufflent sur la Grèce, d'où viennent toutes choses et où tout va ?

Mon coeur désire savoir, Pyrrhon,
Comment étant homme encore, tu vis aisément dans le calme,
Et seul entre les hommes, tu te conduis comme un dieu.
Comme est la nature des feuilles, telle est celle des hommes.
Meurs donc, mon ami, pourquoi gémis-tu ainsi?
Patrocle aussi est mort, qui était bien meilleur que toi.

Sextus Empiricus(-200 – 250) décrit le scepticisme de la manière suivante : " c’est la faculté d’opposer les apparences ou phénomènes et les concepts de toutes les manières possibles ; de là, nous en arriverons, à cause de la force égale des choses et des raisons opposées d’abord à la retenue du jugement puis à l’ataraxie. ". Ce dernier donne une liste de trois cas de figure établissant le relativité du jugement :

  1. Celui qui juge, car tous les êtres vivant modifient leur comportement en fonction de la perception
  2. Ce qui est jugé, car l’objet jugé varie suivant sa quantité et l’utilisation de ce qui est fait de la chose jugé en fonction de notre appartenance sociale, familiale, nationale, etc
  3. Celui qui juge et ce qui est jugé, soit 1 et 2 regroupés, par la position de l’observateur et de l’observé, si l’un des deux est réputé impur et par la fréquence du contact entre les deux pôles.

 

Tout jugement concerné par ces trois points est considéré comme relatif donc voué à une pensée contraire, dont il vaut mieux douté et se détacher du fait de sa relativité.

Sextus Empiricus estime que nous n’avons pas d’autres choix que de passer notre chemin, d’être indifférent à l’environnement sensoriel. En effet, tout jugement peut être contredit, condensé, développé, incomplet, relatif, etc, il est stupide de se satisfaire de cet état de fait pour établir un jugement qui est lui même condamné avant de d’être énoncé. Il ajoute que nous connaissons les choses soit à partir :

Le vocabulaire reflète tant le jugement que le scepticisme, le mot est valide s’il n’exprime aucun dogme par exemple : pas plutôt, peut être, , tout est indéfini, a voir, etc. Par cette expression : "Nous ne définissons rien", ils mettent en évidence leur équilibre et leur sagesse. De même quand ils disent : "Ce n’est pas plutôt…" ou : "A tout raisonnement, on peut opposer un raisonnement" et autres arguments de ce genre.

Dégagement du jugement, le sceptique reste au cœur de l’action sans aucune affection ; théoriquement le sceptique ne devrait pas agir mais cela est impossible.

Pour Arcésilas(-315 –240), le but de l’époché est avant la connaissance certaine, celle qui ne peut en aucun cas être exposé au doute ; mais la vérité relève de critère mais uniquement de probabilité d’une vérité. C’est pour cela que la pure vérité est inexprimable pour celui qui vit l’ataraxie.